Atteinte des Objectifs de Développement Durable à travers le Partenariat Public-Privé, quels facteurs de réussite pour les pays à faible revenu?

Bien que la pertinence de l’implication effective de l’investissement privé dans le financement du développement ait été reconnue, l’adéquation du partenariat public-privé (PPP) en tant que moyen de financement adapté pour la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) a fait l’objet de questionnement.

Le PPP peut effectivement être utilisé comme moyen complémentaire de financement des infrastructures pour l’atteinte des ODD mais c’est également un mécanisme à utiliser avec précaution. Quelques facteurs de réussite sont proposés à l’endroit des Etats à faible revenu qui ont intégré l’utilisation du PPP dans leur stratégie de financement du développement.

Un processus éclairé sur l’identification et la priorisation des projets PPP susceptibles de contribuer à l’atteinte des ODD est nécessaire. Dans les pays à faible revenu où les besoins en infrastructures et les impératifs d’amélioration de la délivrance du service public sont immenses, il est important que des démarches d’identification et de priorisation soient entreprises, en tenant compte du contexte national. Par ailleurs, il est évident que tous les projets ne peuvent pas être conduits en mode PPP et un certain nombre de catégorie d’infrastructures contribuant à l’atteinte des ODD n’est pas susceptible d’attirer l’intérêt du privé.

La maîtrise des impacts des projets sur les finances publiques constitue un critère primordial. Un projet PPP ne devrait pas générer des engagements directs ou contingents insoutenables pour le budget de l’entité publique. En effet, l’opérateur privé exige souvent des garanties ou des couvertures de risques pour la bancabilité du projet, tandis que des formes de soutien public, telles que des subventions, peuvent être nécessaires pour que les tarifs soient abordables pour les usagers. Quant aux PPP à paiement public, dont la rémunération du partenaire privé est prélevée sur le budget de l’entité publique en contrepartie de la mise à disposition des infrastructures, et ce pendant toute la durée du contrat, la rigidité budgétaire engendrée par ce paiement peut réduire d’une manière dramatique l’espace budgétaire pour conduire d’autres projets d’investissement et assurer les dépenses de fonctionnement de cette entité publique. Le cas d’un hôpital conduit en mode PPP au Lesotho illustre cette problématique. Selon les chiffres fournis par le Ministère de la Santé du Lesotho, près de 34,8% du total du budget annuel du secteur santé sert à payer les annuités au titre de la rémunération du partenaire privé pour toute la durée du contrat. Ainsi, au-delà des engagements publics au titre de projets PPP, il faut disposer de l’espace budgétaire nécessaire pour conduire d’autres projets stratégiques.

La prise en compte des aspects de Développement Durable dans l’évaluation et l’exécution des projets est incontournable. Les infrastructures et service qui contribuent à l’atteinte des ODD nécessitent des analyses appropriées quant au choix de mode de financement et de gestion car ce sont des projets qui comportent des risques assez élevés de complication technique, financière et sociale. La considération, très en amont, des impacts sur les aspects environnemental et social ainsi que les coûts directs ou indirects de ces projets sur les populations impactées par les projets PPP, revêtent une importance particulière.

L’inclusion de la population dans tous les aspects du processus constitue un ingrédient pour la réussite du projet. Un bon projet en PPP relié aux ODD est celui où la population a le sentiment d’avoir participé à son élaboration et fonctionnement, et qu’elle peut jouir des bénéfices directs ou indirects issus de ce projet, à un coût financier, social, sanitaire et environnemental abordable. Ainsi, il faudrait que ces projets puissent contribuer de manière effective à la réalisation de ces objectifs et que ces populations en ressentent les effets positifs.

Au niveau international, on peut constater des tendances pro-ODD en matière de PPP au sein des plateformes internationales et régionales. Il existe ainsi de nouveaux concepts PPP qui prennent en compte l’intérêt de la population, tels que les Partenariats Public-Privé type : Population, Pour les Pauvres, Population en Premier, Pour les Pauvres en milieu rural et ceux pour les milieux urbains, etc. Tous ces concepts partagent la nécessité absolue de fournir des infrastructures résilientes à des coûts abordables et de manière durable. La question de réforme des règlementations et standards nationaux et internationaux à la lumière des ODD est également invoquée pour une meilleure adéquation des outils aux objectifs voulus.

Un autre point important est d’assurer la liberté de l’Etat de réglementer pour l’atteinte des ODD. De nombreux cas de plaintes portées par des investisseurs devant des tribunaux d’arbitrage internationaux ont pour base des allégations de violation des engagements par des Etats qui ont adopté ou réformé des mesures légales ou réglementaires relatives à des questions sociales, environnementales, et sanitaires. La plus grande des prudences est requise lors de la conclusion de traités bilatéraux sur les investissements, ou dans les autres traités multilatéraux pour que cette liberté souveraine de légiférer ne puisse pas être entravée.

A l’instar de beaucoup de pays, l’adhésion de Madagascar au processus de mise en œuvre de l’Agenda de 2030 pour le Développement Durable a été initiée à travers l’incorporation des dix-sept ODD dans sa Politique Générale. En effet, le Plan National de Développement (PND) met l’accent sur une nouvelle trajectoire de développement alignée avec les ODD. Des programmes d’investissement dans des infrastructures essentielles (comme l’énergie, la santé, l’éducation, l’eau et assainissement) ont été identifiés comme priorités. Pour les moyens financiers de mise en œuvre, le PPP est explicitement mentionné dans le PND comme une des sources de financement des infrastructures publiques.

Même s’il est encore tôt pour tirer des conclusions sur l’efficacité du PPP dans l’atteinte des ODD, il est indéniable que ce mécanisme peut y contribuer. Cependant, le recours systématique au PPP ne constitue pas une solution miracle, même en cas d’insuffisance des ressources financières internes et d’assistances financières internationales. Il faut que les Etats à faible revenu considèrent attentivement les conditions de réussite qu’il faudrait réunir.